Le spectacle.

Imaginez.

Vous arrivez dans une ville que vous ne connaissez presque pas, où tout est à faire. Du soleil, oui. Mais des inconnus, partout, à chaque coin de rue. Puis quatre ans plus tard, une maison, non loin d’ici. Une grande maison à la campagne. Des vielles pierres, des enfants qui courent un peu partout, une odeur de brasero encore chaud de la veille. Des visages familiers qui vous accueillent avec des sourires aussi larges que la Méditerranée. Des adolescents qui jouent avec des plus petits, avec la même envie que ces amis qui nous attendent comme si entre notre Normandie natale et leur sud merveilleux, il n’y avait jamais eu ces kilomètres, jamais eu ces années où l’on ne se connaissait pas.

Imaginez. Il y a des frigos pleins, des chambres à perte de vue, des souvenirs égrainés partout qui n’excluent pas ceux qui ne connaissent pas leurs secrets. Il y a le barbecue qui fait crier les sardines, des salades arméniennes, des sportifs du dimanche et des vrais joueurs de ping-pong. Il y a ceux qui arrivent en Porsche et ceux qui repartent en Clio, dans la même excitation, la même histoire le temps d’un weekend, la même table où s’emmêlent les verres et les parties de dés.

Il y a des médecins qui se rêvent vignerons, habillés en Johnny Clegg, des fonctionnaires en goguette, des amies de toujours qui oublieront leurs métiers respectifs tant qu’elles seront ensemble.

Fermez les yeux et voyez ce spectacle. Il est presque 4h du matin, et au milieu du Luberon scintille la boule à facette sur la vielle terrasse. Les corps s’animent, les enfants font semblant de dormir. Quand l’un décide de lancer un jeu d’orthographe dans la pénombre, l’autre nous apprend que le mot « potesse » existe sur internet. Plus personne ne sait ce qui existe vraiment, en fait. Ici les encyclopédies ont trouvé leur limite. Il n’y a plus que les rires, les éclats, la force d’un cercle parfait de chaises alignées par des gens qui ont choisi d’être ensemble, encore et encore.

Imaginez les odeurs de vêtements qui s’imprègnent de tout ça, les verres de pastis qui disparaissent, les secondes qui filent comme les mots de Pagnol autour d’un rosé frais.

Imaginez enfin un lundi soir de Pentecôte. Vous fermez les yeux, et même si ça remue un peu autour de vous, même si les vapeurs de tout ça vous bousculent encore, vous les laissez monter. Parce que vous savez. Vous savez qu’il y a quatre ans, en arrivant ici, lorsque vous fermiez les yeux, il y avait des rêves sous vos paupières, des envies de Provence, mais tant d’inconnu.

Aujourd’hui il y a ces prénoms, ces personnes et ces moments que vous n’aurez plus besoin d’imaginer, que vous aurez juste à chérir, conscient de votre chance.

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