Un jour

Un jour on gagnera à l’euromillions. On a déjà tout prévu. L’appartement à New York, nos flâneries et nos lectures choisies mieux que maintenant, parce qu’on aura plus de temps, ou mieux le temps, mon grand atelier d’artiste face à Central Park, avec plein d’instruments de musique dedans et lui qui apprendra enfin à jouer du piano, les enfants qu’on regardera grandir, doucement, avec ce seul spectacle comme objectif…

Un jour je passerai dans l’émission littéraire La grande librairie sur France 5. J’ai déjà pensé aux détails. A la fierté de mes parents, à la façon que j’aurai de bégayer dans les premières minutes de l’interview, puis au plaisir que je j’aurai ensuite à partager mon récit avec le chevelu chic qui a quand même des bagues bizarres, et avec tous ces gens qui auront envie de savoir qui se cache derrière cette nouvelle plume.

Un jour on achètera une maison de famille, celle dont on rêve depuis toujours. On a déjà imaginé le tout. Il y aura des vieux canapés un peu usés mais pas trop pour accueillir ceux qui comptent, un peu usés mais pas trop eux aussi. On entendra des enfants courir, pleurer un peu, rire beaucoup, et on se couchera tard en préférant le son du tourne-disque à celui de l’enceinte Bluetooth un peu trop neuve. Ça sentira la cuisine pour quinze et les barbecues d’été, et il y aura même un chien qui servira de témoin, mais qu’on pleurera bien trop tôt parce que ça meurt toujours si vite ces bêtes-là.

Un jour on verra nos deux fils prendre leur envol et ce sera beau. On a déjà imaginé mille fois les choses. Le plus grand acceptera enfin les projecteurs et trouvera que cette lumière lui va bien. Il comprendra surtout qu’elle a toujours rayonné au-dessus de ses cheveux blonds, et qu’il n’avait pas besoin d’elle pour être ce petit soleil si doux qu’il est au fond. Le second continuera à faire le show, séduira son monde et le peu de personnes qu’il n’avait pas encore réussi à convaincre enfant. Il n’aura qu’à être lui et ce sera notre petit plaisir à nous, de regarder ce qu’un petit lover dans son genre peut donner en adulte.

Un jour on prendra la mesure de nos rêves, de nos espoirs, de nos délires, et on se rendra compte que c’est parce que notre réalité est si belle qu’on a la chance de les porter si haut, si profondément, si délicieusement.

Un jour on se rendra peut-être compte qu’on n’a pas coché toutes les cases, ni celles de la grille du loto ni les autres. Mais on réalisera peut-être aussi que comme les tourne-disque plus vieux et les enfants en devenir, il y a de la magie dans le temps qui passe, et que demain ne vaut pas mieux qu’hier, ni l’inverse. On sera alors aussi heureux qu’aujourd’hui, peut-être même plus, j’en rêve déjà…

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