
Quand je rentre de Rouen, j’ai toujours l’impression de quitter une partie de mon enfance. Il y a ces regards qui ne veulent pas se dire au revoir, ces adieux qui n’en sont pas, ces larmes qui se cachent au coin de la même rue où j’en avais fait un vrai, d’adieu. Il y a les enfants qu’on était et qui savent que ça fait un noël en plus ensemble, et un en moins à fêter dans le futur.
Quand je rentre de Rouen, c’est comme si je quittais un ancien amour que j’aurais réussi à reconquérir. Je lui reste infidèle mais il est là, il m’attend, et il me sort le grand jeu à chaque fois comme si de rien n’était. Moi je fais comme si c’était bien comme ça, comme si j’étais sûre de moi, mais dans le TER qui passe sous le premier tunnel, j’ai un cri au fond du bide et ma fierté qui s’envole. Après ça, j’ai besoin de temps pour faire semblant que c’est vraiment fini, que je ne regarderai plus dans le rétro et que j’irai de l’avant. Jusqu’au prochain jour où le tunnel m’accueillera toute pimpante dans le sens du retour.
Quand je rentre de Rouen, je me cache chez moi quelques jours, parce qu’eux… ma famille d’abord, l’impatience de ma mère et son accueil comme seule une madre sait le faire, mon père et son sourire de bienvenue qui sert de point de départ, mes frère et sœur et leurs enfants pour tout ce qu’ils sont, et pour ce que je ne serais pas sans eux.
Mes amis ensuite, tout près, jamais loin malgré les kilomètres et les années, leurs goûts de Normandie qui donnent la saveur de chaque minute passée là-bas. Parce que Charlène, Alice, Charlotte, Perrine, Dorothée et tous ces autres, parce qu’eux ou elles que je croise au détour d’un resto, d’un bar, ou d’un coin de rue qui sait nous rassembler.
Quand je rentre de Rouen, j’ai un goût de nouvelle année dans la gorge, celui qui vous fait regretter le jour d’avant mais qui vous pousse à franchir le tunnel vers celui d’après, avec l’espoir secret que d’autres amours me rendront aussi pimpantes et parfois joliment tristes, dans la beauté des voyages qui n’ont pas vraiment de fin.