Je ne suis pas carriériste. J’ai l’impression que je n’ai rien à prouver de ce côté-là, que j’ai fait les études dont j’avais envie, que je fais le métier qui me plait, que c’est bien comme ça.
Je ne suis pas toujours à l’aise « en société ». Je rougis quand on me parle de ce que « je fais dans la vie », de choses trop personnelles. Beaucoup de sujets abordés en groupe me fatiguent, je préfère choisir celui où celle au fond de la cour de récré qui ne faisait pas partie de la conversation, juste pour m’échapper. Et aussi parce que c’est celui où celle qui m’intéresse le plus.
Je suis nulle en maths. C’est mon homme qui gère la compta, qui regarde mon compte en banque pour voir si tout va bien. J’ai eu une « daïte » avec les maths mais j’ai rompu en 3ème, considérant qu’on n’était pas fait l’un pour l’autre. Et je ne suis jamais revenue sur cet amour raté, parce que le français (et le prof qui allait avec) a pris toute la place.
Je ne suis pas une bonne maîtresse de maison. Je mange gras et la seule saveur que je transmets à mes fils, c’est celle de l’épicurisme, du plaisir de l’instant. Je suis capable de louper la cuisson d’une pizza Picard, de manger un falafel acheté sur le Prado dans l’argenterie de l’oncle Jacques et de trouver ça incroyable.
Je ne suis pas sportive parce que j’ai choisi de ne pas l’être, à partir du moment où j’ai compris que mes parents ne l’étaient pas et que c’était quand même des parents géniaux. J’ai été élevée à coups de gigots d’agneau et de « encore une que les anglais n’auront point », malgré les cours de tennis à Forges-les-Eaux au cours desquels j’ai fait bonne figure. Et puis j’ai quand même mon flocon, alors je peux faire bonne impression « en société » avec les chamois d’or et toutes ces autres bêtes à concours.
J’ai une peau de rousse et des petits plis qui se dessinent sous les yeux, et je vois bien que le temps me tire par la main. Je ne suis pas plein de choses, mais malgré tout je vieillis bien je crois, parce que je les ai eux.
Ces trois-là. Ceux qui supportent mes humeurs, mes repas ratés en faisant des sourires si réussis, mes jours de pluie loin des miens, loin de celui dont ce sera l’anniversaire demain et qui me manque tant.
Je ne suis pas cette femme qui aurait pu être, mais je suis leur femme à eux, à ces trois petits mecs, et ça, je crois que ça me réussit pas si mal…