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Je prends ce train vers le sud. En moi c’est l’automne quand le wagon s’anime. D’abord les gratte-ciels, puis doucement, le ciel qui ne gratte plus du tout. L’azur s’éclaircit comme un rêve qui s’étale. Les paysages se font complices dans la symphonie d’une Provence qui s’annonce.

J’aime ce train vers le sud qui dévale la France comme une promesse. A nous les bords de mer, l’été des enfants qu’on était jadis, heureux comme des crocos gonflables. On part si graves, de Paris, et on s’allège dans les kilomètres. Dans l’accent du monsieur des chemins de fer, il y a nos sourires des Issambres d’autrefois, des diabolos fraise en perfusion et la BO du Grand bleu qui résonne. C’est mieux qu’une apnée, tu sais. C’est nous qui reprenons du souffle. C’est ton silence qui s’efface, et nos rires qui reviennent.

Je file vers le sud, petit frère. Je le cherche, ce soleil, je l’arrache parfois dans des coins de salle oubliés. Je descends comme ce train, tu vois. Je fuis les nuages ou je les redessine, je compte les kilomètres pour ne pas compter les moutons qui nous mettent en sommeil. Pour te rendre hommage à toi qui les as comptés une dernière fois, et avec qui j’ai tant ri. Je cours parfois trop vite, comme ce TGV, pour que les heures absentes se transforment en petites étincelles. Dehors, ça s’accélère, ça dégouline sur la fenêtre. Ça fait mal, parfois. Mais il y a du beau dans ce voyage. Il y a des secondes qui se figent malgré tout.

Je prends ce train vers le sud. Tu voyages avec moi. Tu nous verrais… On a l’allure de deux fous qui foncent vers le soleil.
Quand on arrive en gare, on retire nos écharpes, on s’engouffre jusqu’à la Méditerranée pour que le Mistral défie nos visages sans les emporter vraiment. On pose nos yeux sur l’horizon, et on attend le prochain train qui nous mènera vers le jour d’après, ce sud immense où tu bronzes avec moi.