Whoopi Goldberg et moi

chanter-dans-une-chorale

Il y a des fringales qui vous réveillent au beau milieu de la nuit.  Difficile de savoir si la faim était là au moment de s’assoupir, ou si ça vient d’un rêve enfoui qui veut soudain devenir réalité. C’est là, à 3h00 du matin. Ça prévaut sur tout le reste et ça devient urgent. Ça mérite un réveil, un sursaut, un passage à l’acte.

Quand j’étais enfant, j’avais souvent un creux dans l’estomac. Je ne vous parle pas de mon côté bonne vivante qui faisait de moi le plus petit Sumo du monde. Non, je vous parle une fois encore de toutes ces choses qu’on voudrait réaliser ou expérimenter avant l’âge de raison. Ces appétits sans nom précis, ces nombreux « métiers que l’on voudrait faire plus tard ».

Parmi toutes les gourmandises de mon enfance, il faut bien avouer que beaucoup sont directement inspirées des exploits cinématographiques des années 80. Que n’ai-je rêvé d’être un membre des Goonies, de posséder une Delorean, d’avoir la peau de Roger Rabbit, ou de nager avec les dauphins (et Jean-Marc Barr) dans le Grand Bleu… Hollywood m’a souvent filé la dalle, et c’est peut-être pour ça que, à l’image de toute une génération, je me suis mise à mâcher ses chewing-gums à la chlorophylle. J’avais la fraicheur de vivre et l’envie de réaliser mes rêves les plus dingues. Avant de faire grimper nos taux de cholestérol, les américains auront réussi à nous mettre des étoiles plein les yeux.

Et au milieu de tous ces fantasmes hollywoodiens, j’ai réalisé récemment qu’il y en avait un qui continuait à gargouiller aujourd’hui. C’est celui qui est né la première fois que je j’ai visionné les deux opus de Sister Act au début des années 90. Entre Whoopi Goldberg et moi, à l’époque, il s’est passé un truc incroyable. Comme une fascination. Après ça, j’ai rêvé de faire le chemin inverse de Mickael Jackson chez le dermato, d’entamer une révolution capillaire complète, et de prendre des dizaines de kilos pour donner du coffre à ma voix. Quand on a vraiment faim, peu importe la taille du gâteau. On se met à table, c’est tout.

Pourtant, durant tout ce temps, je suis restée avec la fourchette dans la main. Il y a bien eu quelques amuse-bouche, au collège, quand j’ai intégré la chorale en tant qu’alto. J’étais assez fière d’être la seule fille dans le groupe de ceux qui avaient du coffre. Mais on était bien loin des grosses bonnes sœurs qui se trémoussent avec classe. Alors je suis repartie avec mon doggy-bag, me persuadant peu à peu que le gospel était peut-être un peu trop gourmand pour moi.

Puis c’est devenu réel. Il y a quelques semaines, l’école de piano de mon aîné a affiché une annonce pour former une chorale de gospel « ouverte à tous ». Age de raison ou non, mince ou gros, black ou pas. La Whoopi Goldberg en moi a refait surface et je suis enfin passée à table. J’ai nourri ce rêve bien des années après son point de départ, et même si je suis maintenant passée dans le groupe soprano, j’ai trouvé le coffre nécessaire pour exprimer mon appétit.

Libérée, délivrée, je suis rentrée chez moi après la première répétition avec un sourire aussi large que celui de Whoopi. J’ai eu envie de dire à mes fils que même avec une peau de rousse et le corps d’un minimoys, on peut devenir une chanteuse fidèle à ses rêves d’enfant. Puis j’ai eu l’image de Céline Dion en tête, et je les ai finalement mis devant le Roi Lion, histoire qu’ils comprennent en douceur que dans la vie, il ne faut rien lâcher.

Depuis, au lieu de mâchonner des chewing-gums, je chantonne « Oh happy days », et c’est beaucoup plus joli. Un vrai happy end hollywoodien, ou devrais-je dire une belle faim, à la française.

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