Mardi 14 février, 09h17 sur ma montre connectée, et toujours pas capable de savoir ce que je pourrais bien lui offrir pour cette St-Valentin 2017. J’ai pourtant cherché quelques idées, je vous assure. J’ai même demandé à Google s’il avait des idées pour moi, la tablette cachée sous la couette pour ne pas me faire repérer. J’ai constaté, d’ailleurs, que le web avait plein de suggestions à me faire avant même que je ne lui demande son avis. A coté de mes actualités Facebook, on m’a proposé plein de jolis objets pour lesquels « ça ne vaut pas le coup de résister ». Mais comme j’ai un penchant rebelle, j’ai décidé de ne pas cliquer. Grosse rébellion, vous en conviendrez. Tant pis pour le sweatshirt « Je suis un papa formidable et je n’ai pas qu’un physique »… au pire je ferai appel à un pigeon voyageur pour lui faire passer le message, mais je ne vais quand même pas obliger le père de mes enfants à se transformer en homme sandwich pour flatter mon ego. Bref, trois heures passées sur la tablette et toujours pas d’idée.
Keep calm. Comme me dit souvent une de mes chères collègues, « ne nous mettons pas la rate au court-bouillon ». Il me reste encore une fenêtre de tir sur la pause déjeuner. Je trouverai bien un gadget à la fois original et mignon pour lui montrer que je le connais vraiment bien et qu’il a beaucoup de chance d’avoir une femme comme moi. Mais avant ça, pourquoi ne pas entamer un petit benchmark auprès des colocataires de bureau ? Je me risque… « Et toi, Bernard, t’as prévu quoi pour la St Valentin ? ». Question à peine posée, je regrette déjà mon audace. Bernard, lui, a l’air content de faire un retour d’expérience et de partager ses « trucs et astuces » comme on dit dans le monde de l’entreprise. Plus il me parle, et plus ma rate se demande si elle ne devrait pas carrément se faire hara kiri. Heureusement, on croise Brigitte à la photocopieuse. Par miracle, elle parvient à mettre fin au récit de Bernard avec ses arguments post modernes : « la St Valentin, c’est hyper commercial, moi je n’achète jamais rien, on n’est pas des moutons ». Bernard se sent soudain brebis galeuse et je me demande pour qui va voter Brigitte aux prochaines présidentielles, elle qui a passé un stade supplémentaire dans la rébellion anticapitaliste.
12h00. Prête, feu, partez. Sur le chemin vers le centre ville, j’élabore une stratégie guerrière dans ma tête. Je tape « mission St Valentin H-2 avant réunion d’équipe » sur le GPS de mon Samsung dernier cri, et je me dis que rien ne pourra me résister, car après tout on ne badine pas avec l’amour. Une heure et cinq enseignes plus tard, seule ma montre est encore connectée. Mes narines sont atomisées par les quinze échantillons de parfum testés chez Sephora, mes pieds se demandent pourquoi j’ai choisi d’enfiler des escarpins un jour de mission commando, et mon Samsung a juste assez de batterie pour me délivrer un dernier message de mon Valentin : «Si t’as le temps ce midi, y’a plus de céréale pour les petits et j’ai besoin de mousse à raser. Bisous. ». A cet instant, je suis à deux doigts d’acquérir un ruban rose et de l’entourer autour de cette foutue mousse à raser. Avec un rasoir Bic en plus pour faire un « coffret plaisir » comme on dit chez les anesthésistes de narines.
Puis plus de batterie. Plus d’idée. Plus de rate ni de court-bouillon. La St Valentin, une fois de plus, a eu raison de moi. Pourtant à Halloween, j’arrive à assurer. Mais là, force est de constater que je ne trouve jamais le bon déguisement. Bon, c’est l’heure de remonter au bureau, je vais me rabattre sur un grand classique. Je songe à Forrest Gump et sa Jenny, et je me dis qu’une boite de chocolats, même entamée, ça fait toujours de l’effet.
Six heures, une réunion d’équipe et trois ampoules plus tard, j’offre à mon Valentin ce qu’il reste de mon périple étrange. Je lui parle du sweat qu’il n’aurait pas aimé, de Bernard qui a quand même des penchants bizarres, de Brigitte qui était dans les jeunesses communistes avant de bosser dans un syndicat patronal. On dévore les quelques pyrénéens que nos deux mini-nous ont bien voulu nous laisser et on rit. Lui n’a pas eu le temps de s’arrêter chez le fleuriste, mais c’est pas grave, on se fera un resto ce weekend. Je lui dis que c’est une bonne idée et qu’il nous connait vraiment bien, ma rate et moi. On va se coucher, les écrans sont éteints. Les aiguilles nous conduisent doucement vers le 15 février, et après minuit on s’aimera encore. St Valentin : o. Nous : 14.